Auteur : Thirault Philippe - Gnaedig Sébastien
Stanislas Réveillère est expert en plan social, un ponte du dégraissage d’effectif qui embellit les cours de Bourse, une sommité dans l’art de jeter les salariés comme des kleenex. Romain Piquionne est en quelque sorte son disciple. « Rien n’est si contagieux que l’exemple » disait La Rochefoucault. Contagieux jusqu’à la nausée ?
Une épaisse couche de sentiments commence comme un docu-fiction, genre à la mode, qui plonge les mains dans les arcanes fangeuses de la gestion des ressources humaines façon « coupeurs de têtes ». Pas de place pour les scrupules, l’objectif doit être atteint, point final. L’exercice du licenciement se révèle alors très technique. Les méthodes existent, on ajoute quelques ficelles de vieux routier bonnes à savoir, un peu de métier (scène mémorable de répétition à domicile avec le conjoint dans le rôle de la victime), et le tour est joué. On est formé à ça, on se prépare à ça. Eux face à ça ils sont vulnérables, pris de court, désarmés, déjà partis.
Il y avait la place pour de la causticité, de l’humour noir, et même si le ton est celui de l'historiette et non du reportage, probablement aussi pour une dose de faits tout droit sortis des coulisses de la vie – et des mises à mort – dans les grands groupes . Et, sans s’élever au rang de satire sociale, on y a droit, un peu. Avant que le récit ne sombre, sur le mode de l’arroseur arrosé, dans une sorte de fable mélo qui prend des airs de grosse ficelle scénaristique tant elle est prévisible. Au final, il serait exagéré de dire qu’on a appris grand-chose de plus que ce que la presse nous livre régulièrement. Pourtant le récit bénéficiait d’une fluidité efficace et d’un graphisme sobre et économe en effets, si ce n’est une tendance à plaquer sur les visages des fragments d’ombres qui finissent par lasser tant elle est systématique. Le léger sursaut final (plus que coup de théâtre en tant que tel) ne changera rien, l'intérêt risque d'avoir démissionné de son propre chef au milieu de l'album.